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Suivi des travaux de la mission d’information sur la Chine – Juillet 2021

Je vous annonçais au mois de mars 2021, dans cet article, ma nomination en qualité de co-rapporteur de la Mission d’information sur « La politique de la France et de l’Europe à l’égard de la Chine » par la commission des Affaires étrangères de l’assemblée nationale. 

Quatre mois après le début de cette mission, un travail conséquent de réflexion et d’auditions a déjà été mené. Le sujet de nos relations diplomatiques avec la Chine est en effet extrêmement large et nécessite, avant tout travail de synthèse, d’être clairement défini. Autonomie stratégique, relations commerciales, présence française dans l’Indo-pacifique, respect des droits de l’Homme, échanges scientifiques et culturels ou encore projet de Nouvelles routes de la soie sont autant de thématiques qui font de nos relations avec la Chine un sujet particulièrement vaste et complexe, aux contours difficiles à cerner et aux enjeux majeurs.

C’est pour tenter de saisir au mieux l’ensemble de ces enjeux que nous menons dans un premier temps de nombreuses auditions de personnalités diverses, dont les travaux ou l’expérience vient alimenter notre réflexion. Ainsi, en quatre mois, nous avons auditionné les personnes et organisations suivantes : 

  • Mme Alice Ekman, sinologue, analyste responsable de l’Asie à l’Institut des études de sécurité de l’Union européenne (EUISS).
  • M. Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.
  • Mme Mary-Françoise Renard, responsable de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine (IDREC) et M. Jean François Dufour, directeur de DCA Chine analyse, cabinet d’analyse de l’environnement économique chinois spécialisé sur l’industrie.
  • M. Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), chercheur associé à l’institut de recherche Asia Centre (Paris) et au Centre d’étude français sur la Chine contemporaine (Hong Kong).
  • M. François Godement, historien, conseiller Asie à l’Institut Montaigne.
  • Le Comité France-Chine, représenté par Mme Sybille Dubois-Fontaine Turner, Directrice générale, et MM. Jean-Louis Chaussade et Jean Lemierre, co-présidents. 
  • M. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre et Président de la Fondation Prospective et Innovation. 
  • M. William Roos, chef du service SAMD et de Mme Magali Cesana, cheffe du service SABINE à la direction générale du Trésor.
  • Table ronde sur le thème de la guerre économique avec M. Ali Laïdi, M. Charles Thibout et M. Joffrey Célestin-Urbain.
  • Table ronde portant sur le secteur du luxe avec M. Jean-François Palus; M. Marc-Antoine Jamet, M.  Paul Guyot-Sionnest et Mme Gabrielle Guallar.
  • Table ronde sur l’Indopacifique avec Mme Valérie Niquet et M. Jean-Vincent Brisset.
  • M. Christophe Bergey, chef de bureau « Asie/Pacifique/Amérique latine » à l’état-major des armées.
  • Mme Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes et conseillère Europe auprès du Premier ministre et M. David Cvach, directeur de l’Union européenne au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
  • M. Matthieu Peyraud, directeur de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
  • Table ronde portant sur le secteur de l’aéronautique avec M. Alexandre Ziegler, ancien ambassadeur de France, président de la commission des affaires internationales du Gifas et directeur des Affaires internationales et des affaires institutionnelles du groupe Safran, M. Antoine Bouvier, directeur de la stratégie, des fusions & acquisitions et des affaires publiques d’Airbus, M. Philippe Coq, directeur des affaires publiques France d’Airbus, M. Marc Hamy, HO Corporate Affairs, Airbus SAS et Mme Annick Perrimond du Breuil, directrice chargée des relations avec le Parlement chez Airbus France.
  • Table ronde consacrée aux industries agroalimentaires et biologiques avec M. Éric Grande, directeur qualité de Lactalis Export International, M. César Giron, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, M. Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, M. Guillaume Roué, président de l’Interprofession du Porc (INAPORC), M. Pierre Charbonnier, Executive VP Global Quality, Manufacturing & Supply Chain et Mme Isabelle Tongio, directrice en charge des affaires publiques chez bioMérieux.
  • M. André Chieng, président de l’Asiatique européenne de commerce (AEC) et vice-président du Comité France-Chine.
  • Association des entreprises de Chine en France.
  • M. Bertrand Lortholary, Directeur de la direction Asie et Océanie au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et M. Louis Riquet, sous-directeur d’Extrême-Orient.
  • Table-ronde portant sur le thème de la coopération universitaire et scientifique avec M. Jean-François Huchet, président de l’INALCO et vice-président de la commission des relations internationales et européennes de la CPU et Mme Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France.
  • M. David Baverez, investisseur et auteur de « Chine-Europe : le grand tournant ».

Vous pouvez suivre l’avancée de nos travaux sur la page de l’Assemblée nationale dédiée à la mission d’information.

Élection de Joe Biden : quelles conséquences sur la diplomatie de la France à l’égard de la Chine ? 

Élection de Joe Biden : quelles conséquences sur la diplomatie de la France à l’égard de la Chine ? 

 

 

Ce mardi 9 mars 2021, le Groupe d’amitié France – Chine, que je préside, organisait conjointement avec le groupe d’amitié France – États-Unis une table-ronde dédiée aux conséquences diplomatiques de l’élection de Joe Biden. Plus précisément, il s’agissait d’analyser les répercussions que celle-ci pourrait avoir sur la diplomatie française à l’égard de la Chine, et d’envisager les adaptations qu’elle rendra nécessaires afin d’assurer la pertinence et l’effectivité de notre stratégie vis-à-vis du géant asiatique. 

En 2016, l’élection de Donald Trump annonçait en effet une période de fortes tensions, notamment d’ordre commercial, entre les États-Unis et la Chine. Soucieuse de ne pas en subir les dommages collatéraux et de défendre les intérêts qui lui sont propres, l’Union européenne, notamment sous l’impulsion de la France, s’engageait alors sur la voie de l’autonomie stratégique, voie dont la pertinence a été renforcée depuis le début de la pandémie de Covid-19. 

L’arrivée au pouvoir de Joe Biden vient refermer la page du trumpisme et laisse présager un certain nombre de modifications dans les équilibres mondiaux, à commencer par le retour des États-Unis à la table du multilatéralisme et la consolidation de la relation transatlantique. 

Pour autant, il serait illusoire de penser que l’élection de Joe Biden se traduira par un retour à la situation antérieure à 2016. L’isolationnisme dont a fait preuve Donald Trump a favorisé la montée en puissance de la Chine au sein des instances internationales et du commerce mondial. En outre, la France et l’Europe comptent persévérer sur la voie de l’autonomie stratégique. La nouvelle ligne diplomatique des États-Unis ouvre ainsi une ère marquée par l’incertitude, dans laquelle la France comme l’Europe vont devoir trouver leur place au plus vite. 

Tel était donc l’enjeu de notre table-ronde, durant laquelle nous avons pu profiter des éclairages de nos quatre prestigieux intervenants : 

  • M. Gérard ARAUD, Ambassadeur de France, ancien ambassadeur de France aux États-Unis (2014-2019). 
  • M. Bertrand LORTHOLARY, Directeur d’Asie et d’Océanie au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
  • Mme Sylvie MATELLY, Directrice adjointe de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
  • M. Marc JULIENNE, Chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), responsable des activités Chine au Centre Asie.

Plusieurs éléments de consensus se sont dégagés durant ces échanges. 

Le premier d’entre eux est que l’affrontement entre les États-Unis et la Chine, s’il est amené à évoluer et à changer de forme sous l’ère Biden, n’a pas vocation à disparaître : la confrontation stratégique avec la Chine est l’un des rares sujets faisant l’objet d’un consensus bipartisan entre Démocrates et Républicains aux États-Unis, et même si les relations entre les deux pays devraient être moins rugueuses à l’avenir, ni la nature ni l’intensité de cette compétition ne seront remises en cause. 

Le second concerne l’évolution des relations transatlantiques. Il est plus que probable que Joe Biden cherchera à renforcer le dialogue et la coopération avec les pays européens, passablement affaiblis depuis 2016. Toutefois, si un certain nombre de valeurs, de causes communes et d’intérêts rapprochent l’Europe et les États-Unis, des divergences existent également. Depuis quatre ans, l’Union européenne a su affirmer ses spécificités, renforcer son unité et se doter des outils nécessaires à la défense de ses intérêts. Même si une coopération accrue est nécessaire et bien sûr souhaitable, il ne saurait donc être question d’aboutir à un alignement pur et simple des positions françaises et européennes sur les positions américaines. 

La France et l’Union ont au contraire tout intérêt à poursuivre sur la voie de l’autonomie et à porter haut leur voix à l’international. Cette spécificité se retrouve notamment dans notre position vis-à-vis de la Chine, qui peut se résumer par le triptyque suivant : partenaire, concurrent, rival systémique. 

Nos relations avec la Chine doivent en effet résolument rester d’ordre partenarial, sans quoi nous ne parviendrons pas à affronter certains enjeux mondiaux tels que la lutte contre le dérèglement climatique ou la consolidation du multilatéralisme. Mais ce partenariat n’empêche pas la concurrence, notamment sur le plan économique, concurrence que la France et l’Europe travaillent à rééquilibrer afin de mettre sur un pied d’égalité les entreprises chinoises et européennes. Ces deux aspects de la relation franco-chinoise ne doivent pas non plus masquer la rivalité systémique entre nos deux modèles politiques, que la Commission européenne réaffirme régulièrement. 

C’est donc ce triptyque qui doit structurer notre attitude vis-à-vis de la Chine, tantôt de concert avec les États-Unis, tantôt de manière autonome, mais toujours en ayant pour finalité la défense des valeurs et des intérêts français et européens. 

Je tiens à remercier les participants à ce moment d’échanges pour leur disponibilité ainsi que la grande qualité de leurs interventions. Le format retenu, celui d’une table-ronde réunissant deux des principaux Groupes d’amitié de l’Assemblée nationale, a donné lieu à de fructueux échanges et a fait la preuve de sa pertinence. Guy Teissier, Président du Groupe d’amitié France – États-Unis, et moi-même, sommes donc convenus de réitérer cette expérience, d’autant plus nécessaire que ces débats devront évidemment être régulièrement actualisés au regard des premiers pas de Joe Biden sur la scène internationale et des orientations que prendra la diplomatie américaine.